J’avais envie de vous partager un nouveau texte prenant la forme d’un journal de l’appétit, afin de vous partager des réflexions m’ayant frôlé l’esprit, et des bonnes choses que j’ai bues ou mangées. Journal de l’appétit no. 2!
Il était environ 20h30 et la cuisse de poulet que j’avais mis à réchauffer dans le four une demi-heure plus tôt était prête à prendre place dans mon assiette, au côté de mes pommes de terres, carottes et haricots cuits vapeur. J’étais rentré une heure avant, avec une motivation de cuisiner assez peu manifeste. Je soupe rarement seul ; quand c’est le cas, j’aime bien, comme beaucoup de gens, écouter un truc sur Youtube, ou sur Netflix. On m’avait parlé, quelques jours plus tôt, d’une série mettant de l’avant l’autrice et critique newyorkaise Fran Lebowitz, Pretend it’s a city. Je la connaissais de nom : je l’avais vu apparaître dans un épisode de Law and Order, et je savais qu’elle avait travaillé pour Interview Magazine, à l’époque où Andy Warhol en était à la tête.
Le beurre fondait sur mes haricots tandis que j’inscrivais dans la barre de recherche Netflix “Fran Lebowitz”. J’étais heureux de voir apparaître dans les premières secondes : “Martin Scorsese presents”. Puis le premier épisode passa, puis je terminai mon assiette. Je repoussai la dernière pour mettre mon ordinateur portable dans une meilleure position, à temps pour le second épisode.
À mi-chemin, une séquence présente des archives d’un film sur Marvin Gaye ; Lebowitz se met à discuter de la musique, et du plaisir qu’elle apporte aux gens ; plus précisément, elle parle du sentiment qui anime une personne lorsqu’une chanson de son enfance trouve son oreille des années plus tard. Puis, elle souligne : “Probably musicians, and cooks, are responsible for the most pleasure in human life.”
Plusieurs d’entre vous ont remarqué que j’ai ralenti mon rythme de publication ces derniers mois. J’avais, drôlement, peu de choses à raconter. Je dis « drôlement », car ça me paraît paradoxal, considérant qu’en cuisine, j’ai l’impression d’avoir poussé mes aptitudes plus loin. J’ai aussi mangé dans plein de merveilleux restaurants ; en juillet, j’ai eu l’occasion de visiter bon nombre de mes établissements préférés. Je profitais des moments, mais je n’avais pas envie, par la suite, de décrire et de raconter mes expériences dans l’infolettre. J’ai aussi garni de notes un tout petit calepin, dans lequel j’écris mes impressions des vins qui me plaisent bien [voir une des notes plus bas]. Nul désir, toutefois, de les partager à vive voix. Je trouve cela particulier.
Mes écrits et mes réflexions étaient canalisés vers un travail que j’avais à réaliser cet été pour l’université. Il s’agit d’un projet de recherche à l’intersection du langage et du vin. J’ai l’hypothèse que d’avoir transposé dans un travail universitaire des questions que j’effleurais à l’écriture de chaque infolettre a eu un rôle à jouer dans le déclin de mon inspiration. La première phase de ce travail étant complétée, je sens la tension tomber, et mon cerveau redonne petit à petit un peu plus de jus pour l’écriture des lettres gourmandes.
“Probably musicians, and cooks, are responsible for the most pleasure in human life.”
Enfant, mes parents m’ont inscrit à des cours de guitare ; j’avais envie de savoir jouer d’un instrument. Je n’étais pas très bon, j’arrivais à jouer, mais je ne “l’avais” pas. Mon cerveau refusait toute la coordination que demande le maniement d’un instrument.
On parle souvent de musicalité dans l’écriture. Je ne pense jamais à cela, lorsque j’écris ces lettres. Lorsque j’écris des textes d’autres natures, j’y pense un peu plus, mais ici, pas le moins du monde. J’essaie par-dessous tout de comprendre pourquoi moi et beaucoup d’autres trouvent en la bonne nourriture un plaisir incroyable.
Le rapprochement que Lebowitz fait, entre musicien·ne·s et cuisinier·ère·s, elle ne prend pas le temps de l’expliquer. Il est, depuis mercredi dernier, pris dans mon esprit. Je crois le saisir, mais j’ai tout de même l’impression d’en échapper des morceaux. Il me semble que les plaisirs que procurent la musique et la nourriture sont totalement différents. Le sont-ils vraiment? Ce n’est pas comme l’odorat et le goût, ils affectent deux sens qui ne se rejoignent nullement. Même sourd, on peut pleinement ressentir la saveur d’une fraise. Sans papille gustative, on peut vibrer à l’écoute d’une chanson qui a marqué notre adolescence. Les deux affects nous atteignent via différents sens ; nous atteignent-ils d’une même manière? Viennent-ils toucher le même nerf et nous procurer un même plaisir?
Je crois être condamné à ne pas savoir profiter de l’été, ou des vacances en général. Dès que j’ai une minute de libre, je la meuble avec un travail d’une quelconque nature, tout en ayant l’impression, à la fin de la journée, de n’avoir rien accompli. Les jours passent et bientôt, je rentrerai à l’université pour une dernière session de bac.
Après-tout, c’était une bonne chose, que de me taper quatre cours en intensif et de sacrifier mes mois de mai et juin, je ne me serais pas plus reposé.
Quoique, j’aurais peut-être eu l’énergie nécessaire pour écrire quelques lettres gourmandes de plus durant l’été.
B…j.l..s 2021, Julie Balagny
J’ai acheté la bouteille il y a quelques mois. Je l’avais trouvée à ma grande surprise dans les rayons de la SAQ du Marché Jean-Talon, je crois… ou l’ai-je commandée en ligne?
J’ai lu, il y a un peu plus d’un mois, que la jeune vigneronne travaillant dans le Beaujolais était décédée subitement. Que faire de cette bouteille? La boire maintenant, ou bien la mettre de côté et y revenir dans quelques années?
Ce soir me semblait être un bon moment pour déguster cette bouteille de gamay. Avec le vin nature, pratiquement chaque fois que j’ouvre une bouteille, je sais que je ne retrouverai jamais l’exact même vin avec l’exact même goût. Chaque bouteille ouverte est ouverte pour la dernière fois. Cette fois, ce sentiment était plus fort.
C’était extrêmement bon : le genre de gamay qui donne envie de boire plus de gamay. Au goût, c’était comme un chat qui me frôle la jambe, avec confiance.
Ça m’a surtout enlevé le goût de boire d’autres gamays pour un temps, afin de garder longtemps en mémoire celui-ci…
Chers·ère·s lecteur·rice·s, j’espère que ces pages de mon journal de l’appétit vous auront diverties. Je vous souhaite une merveilleuse semaine.
Nous ajoutons deux places à l’événement Petit Poisson, qui clôturera les vacances d’été. Si vous ne vous y êtes toujours pas inscrit·e, allez voir les détails ici!
Invitation : Petit Poisson
La lettre gourmande prépare un nouvel événement culinaire le samedi 26 août prochain! J’en ai parlé dans ma dernière infolettre, les poissons en canne semblent avoir été la mode culinaire #1 des derniers mois, du moins sur les réseaux sociaux. Le foodboard
À bientôt,
Thomas
« le genre de gamay qui donne envie de boire plus de gamay. Au goût, c’était comme un chat qui me frôle la jambe, avec confiance. » beau!