Le 21 mai dernier, le trĂšs populaire restaurant de Brooklyn, The Four Horsemen, avec son chef
(fellow substacker, je viens dâapprendre), prenait le contrĂŽle de la cuisine du Gia. Avec beaucoup de chance, jâai rĂ©ussi Ă y avoir une table, et vivre une expĂ©rience gustative ne pouvant ĂȘtre vĂ©cue quâĂ 608 km dâici.CâĂ©tait une soirĂ©e fabuleuse, du dĂ©but Ă la fin. Ăa faisait longtemps que Mathilde et moi avions eu autant de plaisir au restaurant. Je vous en partage quelques instants dans lâinfolettre dâaujourdâhui.
19 avril 2024
20:14
Le souper est en train de cuire. Ăa fait plus de trois heures que je nâai pas consultĂ© ma boĂźte courriel. JâĂ©tais concentrĂ©. Je clique sur lâicĂŽne dâenveloppe affichĂ©e sur mon tĂ©lĂ©phone.
De : Resy Reservation
Objet : Your event reservation at Gia Vin et Grill is confirmed
Impossible! Quelquâun a annulĂ© sa rĂ©servation. Je cours au salon voir Mathilde. « Je viens de recevoir un email de Resy, on a une place au Gia pour la soirĂ©e avec Four Horsemen.
- Comment ça?!
- Je mâĂ©tais mis dans la liste dâattente, et sĂ»rement que quelquâun a annulĂ© sa rĂ©servation.
- Omg.
- Tu serais down dây aller.
- Câest sĂ»r que je suis down dây aller! Câest quoi les chances! »
21 avril 2024
10h07
Nous buvons un cafĂ© sur notre divan. Il ne nous reste quâĂ nous brosser les dents, et nous prendrons le chemin du centre dâescalade oĂč nous passerons une petite heure avant de se rendre au Pop-Up de crabe des neiges au Wills [lire lâinfolettre Ă ce sujet]. Une grosse journĂ©e sâannonce sur le plan culinaire. Nous sommes allé·e·s peu souvent au restaurant ces derniers mois. Câest un retour en force aujourdâhui.
4 octobre 2023
19h51
Nous faisons nos réservations pour New York. Essayons The Four Horsemen. Arrivant sur la page Resy, sans trop de surprise, on se bute à une absence de place.
15 octobre 2023 : notifier...
16 october 2023 : notifier...
17 octobre 2023 : notifier...
« Ce nâest pas Ă©tonnant. », dis-je. « Surtout quâAction Bronson y a filmĂ© un Ă©pisode il y a quelques semaines. », ajoute Mathilde. Heureusement, ce ne sont pas les options qui manquent, Ă New York.
21 avril 2024
14h30
Nous venons de rentrer du Wills. CâĂ©tait vraiment bien [comme vous pouvez le constater dans lâinfolettre suivante] et, heureusement, assez lĂ©ger. Nous glissons au rĂ©frigĂ©rateur une bouteille de vin autrichienne. Un Roter Veltliner que mon conseiller favori de la SAQ Beaubien nous a fait goĂ»ter lâautre jour.
19h57
JâhĂ©site entre une chemise lignĂ©e, et une chemise noire.
21h31
La marche depuis la station de mĂ©tro est froide, mais nous apercevons, au bout de la rue Lenoir, le bĂątiment qui abrite le Gia. Nous laissons nos manteaux Ă lâentrĂ©e, et nous sommes guidé·e·s Ă notre table, en plein centre de la salle Ă manger.
21h40
« Nous irions pour une bouteille. Blanc ou macĂ©ration, on a envie de dĂ©couvrir! Nous avons dĂ©jĂ choisi nos plats, peut-ĂȘtre que ça peut orienter le choix?
- Super! Vous quels plats désirez-vous? », me demande la serveuse.
Il faut savoir quâau restaurant, câest toujours Mathilde qui commande les plats. Je crains de commander la mauvaise chose, donc je garde un Ćil sur Mathilde pour mâassurer quâelle me corrige, si je fais erreur. Tout se passe bien.
« Vous aimeriez un orange plus lĂ©ger ou quand mĂȘme structurĂ©? »
Je regarde Mathilde, sachant déjà sa réponse.
« Plus structurĂ©! », rĂ©pondons-nous en mĂȘme temps.
« Excellent, je reviens avec quelques options. »
21h50
Nous goĂ»tons la premiĂšre gorgĂ©e dâun Jakot du producteur Franco Terpin, dont le vignoble du nord-est de lâItalie frĂŽle la SlovĂ©nie. Câest ma premiĂšre rencontre avec ce cĂ©page et cette rĂ©gion. Jâai lâimpression de reconnaĂźtre certains arĂŽmes, mais ils dĂ©roulent dans un ordre et des niveaux qui ne mâĂ©voquent aucun autre vin ayant fait rencontre avec mon palais auparavant. Nous remercions notre serveuse. Le vin match trĂšs bien lâĂ©nergie de la salle.
20 avril 2024
20h30
« Sâil te plaĂźt, ne va pas voir sur leur Instagram le plat dâoeuf-mayonnaise! Il faut que tu te gardes la surprise pour quand on sera rendu. », dis-je Ă Mathilde.
21 avril 2024
21h57
« OMG, câest ça les oeufs mayo?
- Câest fou einh! Jâai tellement hĂąte de goĂ»ter.
- La brochette de pĂ©toncle a lâair incroyable aussi! »
Jâengage le flanc de ma fourchette au centre du demi-oeuf. Je rencontre, avec Ă©tonnement, une faible rĂ©sistance inattendue. Une sorte de grattement est perceptible depuis la poignĂ©e de mon outil de table. Je porte ce demi-oeuf couvert de mayo blanche et noire vers ma bouche. Une chance que ce plat mâest servi dans un tel contexte, autrement, je ne suis pas certain que je me laisserais emporter aussi facilement et avec autant de confiance. La prĂ©sentation de cet oeuf-mayonnaise est des plus⊠perturbante? Lâencre de seiche procure Ă la mayonnaise un ton aussi profond que le bitume dâune route fraichement recouverte. Le goĂ»t de cette derniĂšre sâaccapare toutes les papilles de ma bouche alors que lâoeuf sây glisse depuis ma fourchette. Ce, jusquâĂ ce que je croque dans lâoeuf, et quâapparaisse lâinattendu.
Lâoeuf-mayonnaise traditionnel est gĂ©nĂ©ralement uniforme dans sa texture ; la souplesse de lâoeuf cuit et la mayonnaise forment une unitĂ© texturale qui amplifie la symbiose des ingrĂ©dients.
Seconde perturbation de l'oeuf-mayo de Four Horsemen : il y a du croquant, dans la bouchĂ©e. Câest incroyablement bon. En regardant le menu, je vois que câest du chou-rave. Sur chacune des moitiĂ©s de lâoeuf est dĂ©posĂ©e une petite cuillĂšre de caviar dâesturgeon. Elle lie tous les Ă©lĂ©ments du plat et couronne ce-dernier. Ce demi-oeuf-mayo sâavalait en Ă peine deux petites bouchĂ©es, mais câĂ©tait deux bouchĂ©es grandioses. La table dâĂ cĂŽtĂ©, qui a reçu leur propre oeuf mayo en mĂȘme temps que nous en commande un second. Je regarde Mathilde afin de voir si elle serait partante pour un deuxiĂšme. Nous dĂ©cidons dâĂȘtre sage. Nos deux bouchĂ©es Ă©taient si agrĂ©ables et surprenantes quâil serait risquĂ© de manger lâĂ©quivalent dâun oeuf complet et dâattĂ©nuer le plaisir additionnel provoquĂ© par la surprise.
Il reste un peu de mayonnaise au fond de lâassiette et [ça paraĂźt dĂ©goutant dit comme ça, mais si vous aviez eu ce plat devant vous, vous auriez fait de mĂȘme, je vous lâassure] jâamĂšne Ă ma bouche une ou deux cuillĂšres de celle-ci. [Lâutilisation du mot « mayonnaise » est extrĂȘmement rĂ©ductrice ; câĂ©tait plutĂŽt une sauce Ă lâencre de seiche.]
30 avril 2024
13h36
Tous ces mots, juste pour lâoeuf-mayo. Comment je vais faire pour ne pas faire un essai de 3000 mots que personne nâaura le temps de lire?
21 avril 2024
22h03
« Câest quoi du shiso ?
- Je ne sais pas, câest sĂ»rement la feuille entre les morceaux de pĂ©toncle.
- Avec les oignons espagnols câest tellement agrĂ©able et doux.
- Jâaime aussi que ça soit une brochette! »
22h14
On se demande si le chef apparaĂźtra dans la salle Ă manger Ă la fin de la soirĂ©e. Le propriĂ©taire du Gia [et du Elena et du Nora Gray], Ryan Gray, se promĂšne dans la salle, touchant quelques tables par-ci par-lĂ . Il sâarrĂȘte Ă la nĂŽtre pour remplir nos verres, et souligner que câest une chance de pouvoir dĂ©guster Ă MontrĂ©al le menu « dâun des meilleurs restaurant de New York ; une des meilleures villes culinaires au monde » (jâai mis des guillemets, mais je ne garantie pas que câĂ©tait ses paroles mot pout mot, mais câĂ©tait de quoi du genre). Câest cool quâil soit aussi reconnaissant de recevoir The Four Horsemen dans sa cuisine.
22h27
Au travers dâun puit de lumiĂšre, on constate que la mĂ©tĂ©o sâest largement agitĂ©e depuis notre arrivĂ©e. Lâintense pluie qui sâabat contre les fenĂȘtres et les Ă©clairs qui lâaccompagnent menacent notre retour Ă la maison. Le Gia devient notre refuge de la tempĂȘte.
Le plat dâharicots au bouillon de parmesan est dĂ©posĂ© sur notre table. Quoi de mieux pour se sentir Ă lâabris du froid et des intempĂ©ries?
22h38
Les couteaux Opinel viennent dâapparaĂźtre, nous nous prĂ©parons pour le troisiĂšme et dernier round.
22h42
Nos deux derniers plats sont devant nous. Deux gigantissimes asperges blanches partiellement recouvertes dâune crĂšme au raifort et dâune petite bordĂ©e de fines herbes, ainsi quâun morceau de porc Ă la milanaise avec feuilles de moutarde et une grosse bordĂ©e parmesan.
La superposition du porc, de la verdure et du parmesan fait que chaque bouchée est bien équilibrée. La chapelure qui enrobe le morceau de viande est super croquante et la vinaigrette des feuilles de moutarde donne de la fraßcheur à chaque bouchée.
Je nâai jamais mangĂ© dâasperges blanches. Comme elles sont souvent le double du prix au marchĂ©, je me dis que ça ne vaut pas la peine de troquer les vertes pour celles-ci juste pour obtenir quelques likes de plus sur ma story Instagram. Je prend une premiĂšre bouchĂ©e, et je lĂšve la tĂȘte vers Mathilde : « Je pense que câest mon plat prĂ©fĂ©rĂ©. ».
Le goĂ»t est nettement diffĂ©rent dâune asperge verte, et la crĂšme au raifort est incroyablement bonne. Elles sont croquantes, mais pas trop. Avec les herbes et le filet dâhuile dâolives, câest remarquable. Il y a deux ou trois ans, jâavais mangĂ© dâincroyables asperges (vertes, cette fois-lĂ ) au restaurant Salle ClimatisĂ©e ; elles sont finalement dĂ©trĂŽnĂ©es. Un peu comme le poisson, les asperges sont toujours meilleures au resto quâĂ la maison, et cette assiette me le rappelle.
23h24
AprĂšs avoir refusĂ© Ă reculons la proposition dâun dessert, faute de place dans nos estomacs, nous avons terminĂ© nos derniĂšres gorgĂ©es de vin et payĂ© lâaddition. Nous nous prĂ©parons Ă quitter, il ne reste que deux ou trois autres tables ; la tempĂȘte sâest calmĂ©e Ă lâextĂ©rieur du restaurant. Le sommelier nous demande si on a apprĂ©ciĂ© et nous rĂ©pondons Ă lâaffirmative avec beaucoup dâenthousiasme. « Avez-vous dĂ©jĂ eu la chance dâessayer leur restaurant? », nous demande-t-il. « Les deux derniĂšres fois quâon est allĂ© Ă New York on voulait rĂ©server, mais on nâa pas rĂ©ussi. La prochaine fois on va se prendre encore plus dâavance je crois.
- Câest une toute petite salle Ă manger dâenviron 40 places, elle se remplit vite. Lâambiance est vraiment agrĂ©able.
- En tous cas on est vraiment content·e dâavoir pu vu vivre lâexpĂ©rience Ă la maison! Et le Terpin nous a super bien accompagnĂ© toute la soirĂ©e! »
23h30
En enfilant nos manteaux, on se dit que câĂ©tait une super belle soirĂ©e, et que câĂ©tait vraiment, vraiment trĂšs bon. Ăa faisait longtemps!
23h32
Dehors, il ne pleut plus. Câest froid, mais nos ventres sont pleins, tout va bien.