Sauter le petit-déjeuner est devenu une nécessité
les repas des fêtes sont des combats intérieurs
Cette semaine dans l’infolettre *normalement exclusive aux abonné.e.s soutenant le projet, mais c’est noël donc je fais un spécial* : le déjeuner qui prend le bord dans la période des fêtes, L’Iliade, les formules de réception et des bulles🥂🍾.
Mon appétit se manifeste généralement dès les petites heures du matin. En effet, il n’est pas rare, les matins où je me réveille un peu plus tard qu’à l’habitude, de sentir l’appel du déjeuner provenant de mes entrailles. En temps normal, je ne suis pas dans mon assiette avant d’avoir au moins mangé deux rôties tartinées de miel ou de confiture. Toutefois, durant la saison des fêtes, c’est tout à fait différent. Entre le 24 décembre et le deux janviers, les repas familiaux s’enchaînent sans répit. Les tourtières, les pièces de viande, les fromages et les bûches de noël viennent les uns après les autres. Ce sont comme des assauts répétitifs ne laissant pas le temps nécessaire au système digestif de souffler. Je vais être totalement transparent avec vous, hier soir, après avoir traversé mon quatrième party de noël en 2 jours, je feelais pas pantoute. Mon estomac ou mon intestin grêle – je ne me souviens plus de la science de secondaire 4 – me tiraillait l’intérieur et m’empêchait de dormir. Mon ventre criait pour un break. C’est ainsi que, durant cette période, sauter le petit-déjeuner au réveil est une nécessité si l’on souhaite tenir le coup durant cette course effrénée entre les repas festifs.
Pour beaucoup de gens, la tradition matinale est le café-clope, la mienne, durant les fêtes, est le café-clémentine. C’est encore la saison de ce petit agrume que l’on retrouve parfois dans son bas de noël, et il fait un petit fond permettant de commencer la journée. Pour mon café, j’opte pour un cortado, c’est ce que je me prépare chaque matin à l’année longue, il est important de garder au moins un petit élément de tradition dans sa matinée. En temps normal, lorsque j’ai plus de temps devant moi le matin, je me fais un latté, mais là y’a pas de place pour une goutte de lait supplémentaire.
Une autre tradition que j’ai depuis quelques années est de me choisir un livre, dont je repousse la lecture depuis longtemps, que je devrai traverser avant le début de la nouvelle session. Ainsi, je consomme mon café-clémentine en me laissant emporter par le Chant VI de L’Iliade d’Homère. J’avoue être encore pas mal perdu entre les noms des Dieux et des généraux troyens et achéens, mais ça commence à se placer. Je croyais que ce serait une lecture plus ou moins agréable, mais je dois avouer que j’y prends grand plaisir. Les combats entre les troupes d’Hector et d’Agamemnon relativisent celui entre ma gourmandise et ma capacité à prendre une bouchée de buche additionnelle.
À cause de cette infolettre, je réfléchis un peu trop à tout ce que je mange. Durant chaque repas, je pense à une nouvelle façon de parler de la nourriture qui se trouve devant moi, et je n’ai pu m’en abstenir durant les repas de noël. Je vous partage donc ma réflexion.
Deux formules sont souvent employées lors de ces réceptions familiales ou amicales : le repas préparé par les hôtes ou le potluck. On n’est pas si loin des restaurants où c’est soit un plat par personne, soit des plats à partager. Dans la première, l’assiette que l’on se fait servir est en général – du moins dans ma famille – de taille normale. Les hôtes ont souvent peur de manquer de nourriture au premier service, ils font donc des portions raisonnables, mais ils interviennent toujours lorsque leur regard tombe sur une assiette vide, en levant bien la voix pour passer leur message à toute la table : « Là gênez-vous pas, y’en a encore plein! », « Donne-moi ton assiette, je vais aller te la remplir », « Y’en reste tellement, on pourra pas manger ça tout seuls! ». La seconde rappelle les plats à partager puisqu’on se monte une assiette où l’on goûte à tout ce qui se trouve sur la table. Cette formule est d’apparence plus sécuritaire, mais j’argumenterais qu’elle est plus propice de mener à l’implosion puisque tout est à portée de main ; il n’y a pas la médiation de l’hôte pour calmer l’appel de la gourmandise. Pour l’éviter, il faut opter pour la technique de l’aller-retour. Bien doser son assiette et la garder de taille modeste, mais s’en faire une nouvelle à deux ou trois reprises est ce qui, selon mon expertise, le meilleur moyen d’éviter une surdose. Les légumes et les salades ne sont jamais le choix #1 au premier abord, mais elles font un grand bien et permettent de diluer l’absurde quantité de gras qu’on se met dans le corps. En plus, quand quelqu’un fait une salade pour un Potluck, c’est pas mal certain qu’elle sera bien bonne. La circulation entre sa chaise et la table – assumant qu’elles soient réparties partout dans la pièce pour permettre une libre circulation autour des plats –, lorsque vient le moment de se refaire une assiette, est clé. Les maigres calories dépensées dans le déplacement sont celles qui permettent de manger le souper sans avoir à se sauver de la place pour le dessert ; les quelques pas accélèrent la libération d’un espace qui sera alloué aux sucreries à venir.

J’aimerais aussi proposer une alternative à l’ordre dans lequel on ouvre les bouteilles de vin dans ce genre de soirée. Deux successions forment souvent la norme : Les vins mousseux à l’arrivée des invités, afin de célébrer le rassemblement de tous, les blancs en grignotant de petites bouchées et les rouges pour accompagner la grosse bouffe. L’autre ordre commun est de déplacer les vins mousseux à la toute fin, afin qu’ils accompagnent les cloches de minuit. Ma proposition est plutôt simple, il s’agit d’introduire, entre le repas et les desserts, une bouteille de bulles et d’ainsi activer plus rapidement la digestion et rafraîchir son intérieur avant de l’attaquer de plus belle avec une dose démesurée de sucre et de gras. Le mousseux agirait ainsi comme une bouffée d’air frais pour l’estomac.
Prenez ce conseil ou ne le prenez pas, c’est une techniquement ni scientifiquement éprouvée, ni testée en laboratoire, ni expérimentée sur le terrain, mais je suis pas mal sûr que ça peut bien fonctionner. En tous cas moi je vais essayer ça le 31, je suis sûr que ça va me permettre de mieux feeler qu’hier en allant me coucher. Chose certaine est que le déjeuner sera sauté d’ici là et que je serai au moins rendu au Chant XIV de mon Iliade.
Entre-temps, amusez-vous, profitez des vacances, si vous avez la chance d’en avoir. Surtout, soyez gourmands, c’est la saison!