Depuis 2020, les Pop-Up culinaires prennent de plus en plus de place dans l’écosystème gastronomique Montréalais. Si je me fie à ma page explorer Instagram, c’est aussi le cas dans pas mal de villes partout dans le monde.
Quelques restaurants et bars se tentent à faire des Pop-Up à longueur d’année, mais il faut dire que c’est pas mal plus difficile trouver la volonté de sortir de la maison sur un coup de tête et de se rendre à un événement de l’autre côté de la ville lorsqu’il fait -9º. C’est un truc saisonnier.
S’il m’a fallu attendre le week-end dernier pour sortir de mon appartement et me pointer à un premier Pop-Up, c’est signe que la population gourmande générale est probablement prête à faire de même.
Dimanche dernier, le Wills, rassemblait les forces viticoles de Lieux Communs 🍇, les connexions 🔌 aux pêcheries Rimouskoises de Cinqàsept 🦀 et l’expertise saucière de J’ai Feng 🌶️ dans leur bar du Mile-Ex.
S’il y avait une occasion de profiter de la saison du crabe des neiges ce printemps, c’était celle-ci, et je l’ai saisie. À 13:04, Mathilde et moi barrions nos vélos devant le Wills et nous prenions la direction de la terrasse, où les crabes des neiges prenaient un bain d’eau bouillante avant d’être décortiqués. On se serait bien installé sur l’une des tables de cet espace extérieur habituellement des plus accueillants, mais le vent, qui avait décidé de ressortir de ses bourrasques oubliées en février, nous balaya à l’intérieur du bar. Nous prîmes sièges autour d’une table placée devant une porte de garage vitrée. Le soleil semblait vouloir percer les nuages ; nous aurions peut-être droit à un bain de lumière. Nos ami·e·s Magali et Lucas nous rejoignirent une seconde plus tard.
J’avais goûté à quelques vins de Lieux Communs lors d’une dégustation à La Cave de Mamie il y a un peu plus d’un an, et je m’étais procuré un de leurs cidres l’été dernier. J’en gardais un bon souvenir, quoique flou. Pour accompagner nos kits de crabe, pains briochés et sauces, nous partageâmes tous les quatre une bouteille de Vues 2022, un Riesling pétillant fait de raisins ontariens. La bulle était si agréable et fine! Je m’attendais à un bon vin, mais pas à un tel point. Je comprends mieux pourquoi on trouve de leurs bouteilles sur autant de cartes de restaurants à Montréal. Il faut normaliser le Riesling pétillant le dimanche à 13h30 (qu’il y ait du crabe, ou non).
Je ne suis pas certain d’avoir mangé du crabe des neiges précédemment. J’ai quelques souvenirs de homards mangés dans des restaurants gaspésiens ou du Bas-Saint-Laurent, à l’époque où mes parents m’y amenaient en camping. J’ai certainement mangé des pattes de crabe ici et là, mais du crabe des neiges particulièrement? Je ne saurais dire.
De ma première à ma dernière bouchée, je n’étais pas parlable : je suis entré dans une étroite relation avec les membres de mon crabe. Je le pris de tous les côtés et brisai sa carcasse de toutes les manières possibles afin d’en extraire sa chaire. Pousser avec le revers de la fourchette. Casser la patte en son centre et puis tirer. Aspirer, comme dans une paille. La dégustation du crabe des neiges est pour le novice une activité dans laquelle se mêlent l’instinct et la créativité.
Tenir sa nourriture entre ses mains nous en rapproche, c’est un préambule à la symbiose qui se joue une fois l’aliment engloutit. Le crabe, entre mes mains, devient mon crabe, avant de se joindre à… moi-même. C’est ce que je voulais dire, plus haut dans le paragraphe, par « étroite relation ». En tout cas, ce crabe des neiges durement pêché sur les côtes du Bas-Saint-Laurent et amené jusque dans le Mile-Ex eut de ma part toute l’attention qu’il pouvait espérer mériter.
Avec ce genre de nourriture, on ne peut négliger tous les efforts et les énergies ayant rendu possible la dégustation. Toutes les personnes derrière l’événement de dimanche dernier en tenaient compte [depuis ma perspective, du moins]. Je dis cela parce que tous les accompagnements étaient soigneusement choisis. Pour accompagner le service de ces nobles araignées de mer, étaient servies des sauces d’un des meilleurs restaurants de La Petite Patrie, le J’ai Feng. *Si vous n’êtes jamais allé déguster les nouilles de ce comptoir de la rue Beaubien, s'il vous plaît, faites-vous plaisir, et allez y luncher la prochaine fois que vous serez dans le quartier.* Je ne pourrais dire quelles étaient leurs saveurs, je ne saurais qu’insister sur le fait qu’elles étaient de fabuleuses accompagnatrices à mon crabe des neiges. De toute ma dégustation, je ne sorti de ma bulle que pour partager avec les autres mon enthousiasme face aux sauces. La seconde d’après, j’étais de nouveau plongé dans l’univers partagé entre mon crabe et moi-même.
Une fois mon plat terminé, je relevai la tête et je constatai que le bar était rempli à craquer de gens concentrés à tremper leurs morceaux de crabes dans l’une ou l’autre des sauces. Nous finîmes notre bouteille de bulles, enthousiastes. J’allai acheter quelques bières du Wills à ramener à la maison, et nous prîmes le chemin du retour, juste après avoir dit au revoir à Magali et Lucas.
C’était la première partie de l’infolettre La saison des Pop-Up. La suite se trouvera dans votre boîte courriel ou sur votre app Substack plus tard cette semaine.
À très bientôt,
Thomas