Journal de l'appétit : saveurs et longueurs d'ondes
Un rosé de Frank Cornelissen, Top 100 des restos, le Caron et Frères, etc
Salut à vous, j’espère que vous allez bien! Pour ma part, je suis un peu fatigué dû à ma session d’été, mais il fait vraiment beau ces jours-ci donc ça va. J’ai failli lâcher mon cours intensif d’allemand après le quatrième cours, car j’avais déjà appris à dire tout ce que j’avais à apprendre : “ Mein Lieblingsgetränk ist Rotwein. ” («Ma boisson préférée est le vin rouge»).
Sinon, j’ai un cours de littérature sur l’écriture de soi. Ça m’a fait me questionner sur mon processus de création de l’infolettre : est-ce une forme de journal/carnet? Même si elles sont destinées à être distribuées (à vous), mes méditations culinaires restent personnelles et plutôt auto-réflexives. Mais comme je sais qu’elles seront lues, elles sont certainement affectées par la manière dont je projette mon lectorat, et la manière dont je souhaite être perçu. En tout cas, je trouves ça bien d’avoir ce cours qui me donne l’occasion de réfléchir mon rapport à l’écriture de La Lettre Gourmande.
Quoi d’autre de nouveau?
En toute honnêteté, je ne suis pas allé essayer un restaurant depuis de lunes. La session d’été a commencé la semaine suivant la fin de celle d’hiver, je n’ai donc toujours pas eu le loisir d’aller titiller mes papilles sur une terrasse. Sinon, j’ai vu le fameux top 100 des restaurants au Canada qui est sorti la semaine dernière. C’est le genre de chose dont je me contre-fou habituellement, mais pour le plaisir, je suis allé jeter un œil à ce qu’ils avaient à dire sur les restaurants que j’avais eu le plaisir de visiter dans la dernière année. Ma copine a dû me réveiller une demi-heure plus tard, car je m’étais endormi en lisant les descriptifs des restaurants fournis par Canada’s 100 Best. Je ne sais pas si c’est conçu pour que les chefs flex leur restaurant à leurs amis dans leur story Instagram, ou si c’est dans le but de donner envie aux gens d’essayer autre chose que le Toqué ; dans tous les cas, leurs textes donnent quasiment plus envie de commander du Dominos depuis son salon.
Je peux préciser ce hot take de ma part : ces descriptions sont assez semblables aux “critiques culinaires” que l’on trouve dans les journaux ou la plupart des blogs. C’est tellement froid et vide d’émotion ; ça ne rend pas compte de l’expérience du restaurant. On ne va pas se mentir : si on décide d’aller au resto, ce n’est jamais “juste pour la bouffe” : c’est aussi pour qu’on nous conseille les bons vins avec les plats choisis, pour les gens bien sapés aux autres tables autour de soi, c’est pour la musique et l’éclairage, c’est pour partager une expérience avec des personnes qu’on apprécie, c’est pour la photo des plats qu’on peut partager.
“Situé sur la rue De Castelneau, la clientèle du Cyprès** profite, durant l’été, de la terrasse qui s’étend sur la rue piétonne. Leur menu, composé presque exclusivement de produits locaux et de saison, est un moyen pour le chef Jérôme St-Paul de « faire découvrir la grande variété de saveurs accessibles si près de nous », rapporte-t-il en soulignant que le nom de l’établissement se prête bien aux jeux de mots. Entre sobriété et rusticité, les couleurs de cette salle pouvant accueillir 36 personnes évoquent celles du cyprès, plus communément dénommé « pin gris ». La sommelière Stéphanie Brochu a décidé de miser sur des vins nordiques qui bla bla bla” On ne va pas se mentir, ce n’est pas ça qui nous donne envi d’aller dans un restaurant. Les formules maintes fois répétées ne peuvent rendre compte de la singularité de ces lieux.
Ce qui nous en donne l’envi, c’est quand un·e ami·e nous dit : “Hey je ne t’ai pas raconté! Je suis allé au Cyprès la semaine passée, c’était trop bon. La serveuse était super gentille et elle nous a aidé à choisir nos plats et tout, et le vin qu’elle nous a conseillé allait trop bien avec le plat de morilles. Mais faut vraiment que tu ailles goûter au crudo de pétoncles, j’en avais mangé juste une fois ou deux avant, mais là c’’était tellement bon avec la sauce verte au piment, c’était wow”. La faim vient avec l’émotion, pas la simple description.
En tout cas, tout ça pour dire que j’aime mieux me taper La Phénoménologie de l’Esprit d’Hegel que les textes de ce top 100.
**Ça n’existe pas pour vrai, le Cyprès.
Actualité vin :
J’ai bu hier soir pour la première fois le Susucaru Rossato de Frank Cornelissen. J’étais resté éveillé jusqu’à minuit il y a une semaine ou deux pour passer ma commande SAQ et mettre la main sur des bouteilles de ce vigneron fort prisé par les rosemontois·ses partageant mon habitus. Je ne bois pas souvent de rosé, le dernier que j’avais bu, c’était l’été passé : un vin de Cantina Giardino à la Cave de Mamie. J’avais toutefois déjà bu deux ou trois fois le Susucaru Rosso, de Frank Cornelissen qui, dans cette vidéo réalisée par Mr. Porter (chouette vidéo, même si c’est une publicité pour une montre), est présenté comme un passionné du sol volcanique dans lequel ses vignes sont enracinées. Ce que j’avais retenu du Susucaru Rosso, c’était ce que j’oserais appeler les longueurs d’ondes du vin.
[🚨Attention : Pour fucker bien raide votre serveur·euse lors de votre prochaine sortie dans une buvette de la Petite-Patrie, demandez « un vin rouge avec des longueurs d’ondes bien équilibrées »🚨]
Je trouvais que l’évolution en bouche du goût du vin se faisait en quatre étapes dont la durée et l’intensité étaient équivalentes. La meilleure façon que j’aie trouvée pour représenter l’expérience sensorielle de cette évolution est de la comparer à des longueurs d’ondes. C’est comme si, le vin, arrivant en bouche, affectait mes organes gustatifs d’une première manière, et graduellement, elle les affectait d’une autre manière, puis d’une autre, et d’une dernière une fois la gorgée avalée. Chacun de ces “affects de mes sens” générés par le vin atteignait un sommet, puis doucement transitionnaient vers l’affect suivant, et ainsi de suite. Voyez-vous un peu ce que je veux dire? C’est parfois vraiment difficile de représenter le goût à travers le langage, mais dans ce cas, je pense que l’idée des longueurs d’ondes tient quand même bien la route. Chaque onde était de longueur et d’intensité équivalente ; c’était une super expérience gustative.
Vous pouvez vous imaginer que mes attentes étaient hautes pour le Susucaru Rossato. Ces dernières n’ont pas été déçues! Mais je dois vous dire que la description que je peux en faire est aussi décevante que celle qu’a fait Canada’s top 100 des restaurants de Montréal. Comme je l’ai bu en cuisinant et en mangeant avec des ami·e·s, et que mon attention était plutôt dirigée sur la préparation du souper ou nos conversations, je n’ai pas bien pu m’imprégner du goût. C’était aussi impressionnant que le rouge, c’est une sacrée bonne bouteille, surtout vu le rapport qualité/prix, seulement, je n’ai pas été suffisamment attentif au goût pour tenter de le décrire. Je vous promets de vous revenir avec une meilleure description lorsque j’en ouvrirai une autre!
Café sur place, sandwich à emporter :
J’ai développé une nouvelle routine depuis quelques semaines, les journées où je souhaite étudier ou avancer certains projets. Après avoir avalé mon bagel quotidien, je remplis mon tote bag des livres sur lesquels je dois travailler, ou de mon ordinateur, et je me dirige vers la Petite-Italie. Je suis allé au Caron et Frères pour la première fois cet hiver. Depuis ce printemps, la belle température me donne envie d’aller faire une marche chaque matin, surtout ceux où j’ai congé ; vous l’aurez deviné, ces marches me mènent tout droit au Caron et Frères. C’est sans aucun doute le café où je me sens le mieux accueilli à Montréal. Les proprios et les employées sont vraiment gentil·le·s, l’ambiance est agréable et le café est top top. Souvent, les cafés montréalais y vont à fond dans une esthétique minimaliste lorsque vient le temps de concevoir le design de l’espace, menant à un sacrifice du confort (des chaises sans dossiers, des tables “cutes” mais inadéquates, etc). Au Caron et Frère, tous les endroits où il est possible de s’installer sont confortables et adéquats à toute situation : un comptoir devant la vitrine (les tabourets ont des dossiers, amen) où travailler concentré·e, un divan où lire ou discuter avec un·e ami·e, et une grande table pour faire l’un ou l’autre. Ils changent assez régulièrement les cafés qu’ils utilisent, ce qui permet d’en découvrir de nouveaux et de savoir lequel on aimerait bien avoir chez soi. Ils ont une très large sélection de cafés en sac ; bien que je n’en aie toujours pas acheté, j’ai remarqué qu’ils prennent toujours le temps d’écouter avec attention les souhaits de chaque client·e·s afin que chacun·e reparte avec le bon café pour lui ou elle.
J’y prends toujours un Cortado, et quand je reste plus longtemps, j’enchaîne avec une limonade à la rhubarbe et à la fraise. J’ai déjà goûté leur grilled-cheese au champignon, il est très bon aussi!
En sortant du Caron, je suis incapable de ne pas me diriger vers le Milano, où je m’achète un sandwich avant de prendre la route de l’université ou de la maison. Leur panini du jour est souvent à 3.99$, ce qui est un prix incroyable vu la quantité de garnitures s’y trouvant. C’est bien meilleur que tous les sandwichs qu’on peut trouver dans une épicerie comme le Métro ou le IGA. Si j’en parle, c’est parce que j’en ai mangé un ce midi, et que les aubergines marinées s’y trouvant étaient si bonnes!
C’est tout pour mon actualité culinaire des dernières semaines, on se réécrit très bientôt!
Thomas