La confiance est dans le crudo
Boeuf albertain, Gia, un crudo de pétoncles et du développement personnel
Déposez vos livres de développement personnel, la lettre gourmande de cette semaine saura vous guider vers la voie du succès et de la haute estime de soi.
Le simulacre du printemps qui nous a joué un tour la semaine dernière a fait naître en plusieurs l’espoir de voir des fleurs jaillir des bancs de neige brunes, mais nous retrouvons aujourd’hui le programme hivernal régulier. Le tout peut être un peu rough sur le moral, c’est pourquoi je me suis dit que c’était le bon moment pour publier ce texte rédigé l’été dernier. J’y discute des prairies canadiennes, du Gia, d’un crudo de pétoncles et de confiance!
Mon frère, qui vit en Alberta depuis maintenant quelques années, était de passage à Montréal cet été avec sa famille et il m’a donné le mandat de leur dénicher un endroit où savourer une assiette qui les tirerait hors des steaks et des burgers qui envahissent chacun des menus de la province qu’ils habitent. Les palais de l’ouest sont souvent conservateurs en terme de saveurs : bœuf, bœuf, et encore bœuf. Y trouver différentes viandes, des plats de pâtes qui ne sont pas de la lasagne, des poissons qui ne sont pas du saumon ou du tilapia, ou encore des légumes locaux peut être difficile. Mon frère m’expliquait comment les gens ont leurs classiques et s’y tiennent, ce qui fait que l’offre ne varie presque jamais. J’avais à trouver un endroit qui serait assez éloigné de la cuisine des prairies, sans non plus aller dans des goûts trop expérimentaux pour ne pas faire peur au plus jeune de mes neveux qui est déjà un tout petit peu difficile.
Un après-midi de recherche active – c’était pour un mardi, et les mardis la moitié des restaurants sont fermés – m’a amené à choisir le premier restaurant qui m’était venu en tête, le Gia. Le plat de pétoncles que j’y avais mangé deux ou trois mois plus tôt était exactement le genre de plat qu’Henrick et Anne recherchaient ; j’avais aussi le désir d’y aller à plusieurs afin de pouvoir goûter à plus de plats. Entre temps le menu avait pas mal changé, mais il y avait plusieurs options de la mer et de légumes de saison.
Mission accomplie, tout le monde a apprécié le repas! On a bu un excellent vin, un malvasia, le Valtolla Bianco 2020. Mathilde et moi, on a adoré le crudo de flétan et on s’est dit qu’on devait essayer de se faire ça à la maison. Ça fait que trois jours plus tard on se trouvait dans notre merveilleuse poissonnerie de quartier à débattre entre le turbo ou les pétoncles pour notre very own crudo. Nous y sommes allés pour les pétoncles, on a hésité entre quatre ou cinq, et on a décidé d’y aller pour 6. Il faisait 25 degrés, le soleil était tout doux et il ne manquait qu’un vin blanc pour avoir les conditions idéales d’un souper de balcon.
J’étais hésitant à prendre un vin de la Nouvelle-Zélande, car je n’avais jamais éprouvé beaucoup de plaisir à boire quoi que ce soit provenant d’Australie, et je mettais toute l’Océanie dans le même bateau. Sur les tablettes de ma SAQ de quartier il y avait à l’avant-plan le And co The Supernatural 2020 que j’avais vu passer dans l’infolettre de Vincentsulfite, et je m’y suis risqué. On sortait de notre zone de confort en préparant une telle entrée, ça avait donc du sens de sortir de notre zone de confort en prenant un vin néozélandais plutôt qu’italien, français ou autrichien.
Niveau préparation, on s’est basé sur une recette de Bon Appétit qu’on a un peu adapté à notre sauce en ajoutant ce qu’on avait sous la main : pousses de fenouil, piments chilis, oignons verts. Le défi était de faire de fines tranches de pétoncles, mais comme ça se tient plus ou moins bien, aucune n’avait vraiment la même épaisseur, on n’est pas des chefs einh. Une fois l’assiette assemblée, on a laissé le tout au frigo quelques minutes, le temps de préparer nos pâtes fraîches pour le plat principal.
J’en parlerai plus longuement une autre fois, mais c’est si plaisant de prendre les quelques minutes que demande la préparation des pâtes fraîches ; le sentiment d’accomplissement est bien plus grand aussi.
C’est l’heure de monter la table! Mathilde ajoute un petit zeste de citron sur le dessus de l’assiette, j'apporte les verres et la bouteille sur le balcon ainsi que deux fourchettes, on prend quelques photos (c’est inévitable) et on se lance.
Il y a toutes sortes de manières de travailler sur sa confiance en soi. Toute ma jeunesse, j’ai puisé la mienne dans le sport. Avec les années toutefois, j’ai trouvé moins de temps pour en pratiquer, surtout depuis que j’étudie à l’université. Il n’y a que le cyclisme qui fasse partie de mon quotidien. C’est qu’il est bien rempli lorsqu’on devient adulte, qu’on a son logement à entretenir, ses responsabilités professionnelles et trois repas par jour à préparer. Ces trois repas sont toutefois remplis de potentiel.
Se mettre au défi en cuisine et tenter de faire des plats qu’on n’oserait pas préparer est un excellent moyen de faire grandir son estime et sa confiance en soi. À travers la manipulation des outils de cuisine et le travail des aliments, on développe des aptitudes enrichissant notre estime et animant nos plats quotidiens. Lorsqu’on a les bases, c’est facile de s’y tenir, mais se dépasser c’est cultiver ses capacités et récolter les accomplissements. En cuisine, je peux très bien me faire des pâtes au thon, câpres et huile d’olive qui seront très bonnes, mais lorsqu’avec mon amoureuse on se met en tête de faire nos propres pâtes, d’improviser une marinade pour les crevettes, d’aller chercher dans le jardin des herbes fraîches et qu’on exécute le tout, puis que le résultat est un met délicieux, les sentiments de fierté et d’accomplissements sont incomparables. Puis, la barre ne fait que monter chaque fois qu’on se dépasse.
Le crudo de pétoncle était exceptionnel, d’abord parce que pour 20$ de pétoncles, on a eu droit à une portion qu’on n’aurait jamais reçue en restaurant, mais surtout parce que les saveurs étaient très bien équilibrées : le goût du pétoncle était bien présent, celui des pousses de fenouil donnait de la fraîcheur et les flocons de chili pimentaient légèrement le tout. Ce n’était évidemment pas l’assiette du Gia mangée dans les jours précédents, mais nous étions très surpris de pouvoir produire un si bon plat nous-mêmes. Le vin néozélandais était super bien. Nous avons bien fait de suivre notre instinct et d’aller au-delà de l’habitude.
Une fois le tout engloutit, nous sommes rentrés terminer les pâtes fraîches et partir le barbecue. Nos linguines cuites en une minute, Mathilde s’est occupée d’y mettre plein d’herbes fraîches, du jus de citron, de l’huile d’olive, etc. pendant que je cuisais rapidement les crevettes dont j’aurais bu à même le bol la marinade. Mathilde a monté les assiettes et nous étions de retour à l’extérieur pour manger les meilleures pâtes que nous n’avions jamais préparées ensemble. Simples, faites de bons ingrédients avec patience et soin, ces pâtes aux crevettes venaient d’un autre univers. Chaque bouchée était l’extase. Quel plaisir! Quelle fierté de se dire que nous avions réussi à faire tout ça nous même.
La richesse de la cuisine se trouve dans les saveurs, mais aussi dans la confiance qu’elle apporte à ceux et celles qui osent y pousser leur limite. La prochaine fois que vous goûtez un plat remarquable au restaurant, essayez de reproduire quelque chose de similaire à la maison. Si ça vient d’une bonne adresse comme le Gia, il sera difficile d’accoter le même niveau de finesse dans les saveurs, mais avec toute la satisfaction que ça vous apportera, ce sera tout comme!
Merci d’avoir lu le tout, j’espère que le ton, bien différent de la dernière infolettre, vous aura tout autant plu!
Bonne semaine,
Thomas
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